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Green Tech Forum : l’industrialisation du bilan carbone de la CNAM

En 2022, dans le cadre du plan national de sobriété énergétique, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie a initié un programme de sobriété numérique. Dans ce contexte, la CNAM a initié cette démarche par la réalisation d’un bilan carbone numérique pour quantifier précisément les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités informatiques et identifier les principales pistes de réduction de l’impact environnemental.

Pour mener à bien ce projet de grande envergure, la CNAM a choisi de s’appuyer sur Sopht, une solution Green IT Ops, avec l’accompagnement opérationnel des équipes de Devoteam.

Lors du GreenTech Forum, Franck Kammerlocher, Pilote Programme Sobriété Numérique à la CNAM, Ophélie Souvanthong, Green IT Lead chez Devoteam, et Jérémie Veg, CEO Sopht, ont présenté les enseignements de cette démarche lors de l’atelier “Industrialisation du bilan carbone de la CNAM”.

Une approche structurée de la sobriété numérique

Le programme mis en place par la CNAM vise à mesurer l’existant dans un premier temps, puis à transformer durablement les pratiques numériques de l’organisation. Pour y parvenir, l’équipe projet a structuré son action autour de quatre axes complémentaires : 

  • La mesure, avec le bilan carbone numérique.
  • La sobriété numérique des postes de travail au sein de la CNAM et des 500 organismes d’assurance maladie, ce qui représente plus de 100 000 postes.
  • Les datacenters
  • L’intégration des bonnes pratiques numériques responsables dans les projets SI, et notamment l’éco conception. Ce dernier volet a commencé en avril 2024.

Plutôt que de développer ses propres outils de mesure, la CNAM a fait le choix de s’appuyer sur une expertise externe. Le groupe de travail a exploré plusieurs solutions du marché, et a porté son choix sur la plateforme Sopht et l’accompagnement de Devoteam. Cette décision reflétait une approche pragmatique : plutôt que de réinventer la roue, mieux vaut s’appuyer sur une méthodologie et un outil existants.

La mise en œuvre a révélé que la qualité des données était la clé du succès. L’équipe projet a délibérément opté pour une approche progressive, préférant dans un premier temps un traitement manuel mais maîtrisé à une automatisation prématurée. Cette phase a permis d’identifier et de résoudre les problèmes de qualité des données à la source, ouvrant la voie à une future industrialisation sur des bases saines.

Des résultats révélateurs

Les premiers résultats ont apporté leur lot de surprises. Contrairement aux idées reçues, les data centers ne représentent que 10% des émissions totales du système d’information. La grande majorité de l’empreinte carbone – 90% – provient des postes de travail, dont 70 à 80% sont liés à leur fabrication.

Ces chiffres ont permis d’identifier des leviers d’action. L’allongement de la durée de vie des équipements pourrait à lui seul réduire de 20 à 30% le bilan carbone. Des optimisations plus ciblées montrent également un potentiel significatif : sur certains sites, l’analyse des usages a révélé que les équipements restaient alimentés pendant de longues périodes d’inactivité. La mise en place de coupures automatiques pourrait réduire la consommation électrique de moitié.

Vers une transformation durable

La prochaine étape consiste à transformer ces insights en actions concrètes. L’équipe travaille actuellement sur des simulations détaillées pour chaque organisme, permettant d’évaluer précisément l’impact des différentes mesures envisagées. 

La force de cette approche réside dans sa capacité à transformer des données techniques en arguments business. En montrant clairement les gains potentiels, tant environnementaux qu’économiques, la démarche facilite l’adhésion des décideurs et l’allocation des ressources nécessaires.

L’éco-conception, un chantier de transformation profonde

Au-delà des aspects purement techniques, la démarche de la CNAM révèle un enjeu majeur de conduite du changement. L’éco-conception, en particulier, nécessite une transformation en profondeur des pratiques. Elle implique de multiples acteurs – équipes projet, développeurs, architectes – qui doivent intégrer de nouvelles pratiques responsables dans leur quotidien.

La clé du succès réside dans l’intégration fluide de ces pratiques au sein des outils et processus existants. Il ne s’agit pas simplement de plaquer de nouvelles contraintes, mais bien de repenser la façon dont les équipes travaillent. La plateforme joue ici un rôle crucial en rendant tangibles les impacts des décisions techniques. Quand un architecte peut visualiser directement l’impact carbone de ses choix d’infrastructure, ou qu’un responsable financier constate les économies potentielles, l’adhésion devient naturelle.

Une approche incrémentale en quatre temps

L’expérience de la CNAM met en lumière l’importance d’une approche progressive et structurée. Leur parcours de décarbonation s’articule autour de quatre phases distinctes :

  • La phase d’apprentissage : cruciale, elle demande plusieurs mois d’investissement pour examiner, trier et harmoniser les sources de données. C’est également le moment d’impliquer les différentes parties prenantes, des équipes d’achat aux administrateurs systèmes.
  • L’industrialisation : une fois les fondations posées, l’automatisation des mesures peut être mise en place de manière pertinente et pérenne.
  • L’identification des leviers : la plateforme permet alors de simuler différents scénarios et d’identifier les actions les plus impactantes.
  • Le passage à l’action : la dernière phase consiste à mettre en œuvre les leviers identifiés et à suivre leur impact réel.

Cette approche par étapes s’accompagne d’une extension progressive du périmètre : du matériel vers l’applicatif, des postes de travail vers la téléphonie, des serveurs centraux vers les équipements locaux.

Les facteurs de réussite d’un bilan carbone numérique

Le retour d’expérience de la CNAM met en lumière plusieurs facteurs critiques de succès pour les organisations qui souhaiteraient se lancer dans une démarche similaire :

  • Privilégier le pragmatisme : il ne faut pas chercher à tout automatiser dès le départ. La phase d’apprentissage, bien que chronophage, est essentielle pour construire des bases solides.
  • S’appuyer sur l’expertise : le bilan carbone numérique requiert des compétences spécifiques. Il est essentiel de s’appuyer sur des experts et des méthodologies éprouvées.
  • Impliquer largement : la réussite passe par l’engagement de toutes les parties prenantes. La phase d’apprentissage est l’occasion idéale pour créer cette dynamique collective.
  • Communiquer par l’exemple : les visualisations et simulations permettent de donner du sens aux actions entreprises et de mobiliser les équipes autour d’objectifs concrets.

Un hub pour la transformation verte

Plus qu’un simple outil de mesure, la démarche de bilan carbone numérique autour de la plateforme Sopht agit comme un véritable « Green IT Hub », un point de convergence qui permet d’aligner toutes les parties prenantes autour d’objectifs communs. Elle rend tangible l’impact environnemental du numérique et facilite la prise de décision à tous les niveaux de l’organisation.