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Chatbot: un robot conversationnel est-il forcément synonyme de satisfaction client ?

Une étude menée par Opinion Matters, pour Freshworks, entre octobre et novembre 2019 a semé le doute chez les industriels quant à l’impact de l’usage des robots conversationnels au sein des services client des entreprises.  Cette étude a été conduite auprès de 6055 consommateurs et 812 décideurs dans les services client en Europe dont une partie en France. Les principaux résultats montrent que les utilisateurs éprouvent une insatisfaction et une frustration à l’égard du chatbot.

Ces résultats contrastent avec les budgets grandissants que les entreprises allouent à la conception et la mise en production d’un chatbot dans le but initial de réduire les coûts et améliorer la relation client. Ce décalage entre les intentions initiales des entreprises à l’origine de l’adoption d’une solution chatbot et les résultats décevants du côté de l’utilisateur peut être expliqué par plusieurs facteurs que nous exposerons au cours de cet article.

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Le niveau de maturité de certaines plateformes de chatbot 

Il existe aujourd’hui de nombreux éditeurs de logiciels proposant des plateformes de conception et de développement de chatbot. Cependant, certaines de ces solutions n’ont pas atteint un niveau de maturité technologique suffisant pour répondre aux besoins des clients. Un cas récurrent que nous avons identifié est l’incapacité du chatbot à comprendre et qualifier la requête de l’utilisateur. Ce constat a été relevé dans une autre étude présentée par Userlike en 2019 où les utilisateurs le considèrent comme étant l’aspect le plus négatif de leur expérience avec le chatbot.

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Etude présentée par Userlike, 2019

Ce point relève en réalité deux sous-problèmes. Le premier concerne la compréhension “sémantique” de l’énoncé où le chatbot doit extraire une ou plusieurs intention(s) de la phrase de l’utilisateur. Le deuxième vise un aspect de la compréhension qui concerne le contexte. En effet, dans une conversation, une même phrase pourrait signifier des choses différentes dans deux contextes différents.

Les briques technologiques assurant la première fonctionnalité sont appelées systèmes de NLU (Natural Language Understanding). Elles diffèrent d’une solution à une autre selon l’approche adoptée. Certaines contiennent un moteur de compréhension de langage naturel reposant sur des règles inspirées des règles grammaticales, syntaxiques et/ou sémantiques. C’est ce qu’on appelle les systèmes à base de règles. D’autres s’appuient sur des données issues d’interaction humain-humain ou de texte écrit par des humains. Ces dernières technologies sont appelées système à base d’apprentissage machine.  

Quant à la compréhension du contexte, des algorithmes suivant des arbres de décision sont généralement utilisés. Ici encore, différentes approches existent, allant de l’arbre linéaire basé sur des “Si-alors” jusqu’aux arbres flexibles inspirés des interactions humaines. La prise en compte du contexte est une pratique assez récente qui constitue un nouveau défi des concepteurs de chatbots.

Consolider les bases technologiques adoptées pour ces deux fonctionnalités nous paraît un point crucial pour les développeurs de chatbots. D’un point de vue “client”, il nous semble indispensable de se faire accompagner par des experts dans le processus de sélection et de qualification d’une ou plusieurs solutions sur mesure afin de répondre au besoin et éviter une expérience utilisateur décevante.

Des soft-skills pour votre chatbot ?

Cela peut paraître étonnant mais certains chatbots expriment une personnalité voire des émotions et cela impacte positivement l’expérience client. L’assistant vocal de Amazon est maintenant doté d’un moteur émotionnel, ce qui a amélioré de 30 % la satisfaction des utilisateurs. L’intensité de ces expressions émotionnelles peut être modulable, ce qui permettrait d’introduire un modèle de personnalité : un chatbot extraverti exprimerait ses émotions d’une manière plus intense qu’un chatbot introverti. 

Dans le domaine RH, certaines corrélations entre les traits de personnalité et les profils de collaborateurs ont été mises en avant dans des études expérimentales: un conseiller commercial est très souvent extraverti et se doit d’être agréable envers ses interlocuteurs, un assistant technique se doit d’être rigoureux et consciencieux dans les différentes tâches et a tendance à avoir une personnalité plutôt introvertie, etc. Ces résultats pourraient orienter les entreprises dans le choix de leur chatbot et de sa personnalité correspondante (voir aussi: Comment trouver la personnalité de votre BOT ?). 

L’expression des émotions et de certains traits de personnalité par un chatbot  jouerait un rôle important dans l’expérience utilisateur. Il faut, cependant, faire attention à ne pas tomber dans la caricature et l’exagération qui pourraient nuire à la crédibilité et la compétence perçues du chatbot. Nous distinguons, là aussi, deux aspects distincts : l’intensité des réponses émotionnelles exprimées et la cohérence des émotions exprimées. L’intensité est souvent régulable dans les plateformes d’assistants doteés d’un générateur d’émotions comme dans le cas d’Alexa de Amazon. Cette régulation émotionnelle prendrait en considération le profil à incarner, le contexte (formel ou informel), l’ADN de l’entreprise, etc.

Quant à la cohérence des émotions, on parle de plus en plus d’empathie : un assistant qui comprendrait l’émotion ressentie par l’utilisateur et qui adapterait ses réponses en fonction serait apprécié. La majorité des chatbots sur le marché ne bénéficie pas de cette fonctionnalité, ce qui expliquerait probablement la réticence des utilisateurs envers les chatbots quand il s’agit d’une plainte. 

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Etude présentée par Userlike, 2019

Un bot empathique devrait être capable de «ressentir» ce que ressent l’utilisateur. Certains outils d’analyse automatique de sentiment pourraient être utilisés afin d’analyser les énoncés de l’utilisateur et en extraire des informations émotionnelles. Ici encore, il est conseillé de se faire accompagner par des experts dans le choix de l’outil.

La voix comme nouvelle interface 

Depuis l’arrivée des ordinateurs, les humains tendent à s’adapter au langage de la machine : apprendre à coder, utiliser un clavier, etc. Aujourd’hui, les machines ont la possibilité de s’adapter aux moyens de communication longtemps réservés aux interactions humaines : le langage naturel et la voix. Cette dernière constitue un canal riche de communication autant pour le contenu verbal que la prosodie. Les développeurs de chatbot l’ont compris : l’évolution du chatbot sera la voix. La plupart des plateformes offrent une version vocale du chatbot. Il faut cependant faire attention à certains détails : les réponses vocales doivent être différentes de celles de l’écrit : plus courte, avec la ponctuation adéquate et ne contenant pas d’éléments visuels : lien hypertexte, image, etc. Un remède possible à cette contrainte est de combiner les modalités et d’avoir des assistants hybrides mêlant voix et écran comme certains assistants vocaux (Google home).

La voix est également est un excellent canal d’expression émotionnelle (voir ici).Le volume (intensité sonore), la hauteur (aigu, grave) et les harmoniques (mélange de fréquences vocales) sont des aspects très fortement dépendants de l’émotion ressentie. Ainsi lorsqu’un individu est joyeux sa voix s’adoucit et le ton devient plus harmonieux tandis que lorsqu’il est confronté à une situation d’anxiété, la voix est dite cassée, elle est privée de sa sonorité. Ces observations pourraient servir de base pour développer des assistants vocaux crédibles et émotionnels.

La déception des utilisateurs envers l’offre chatbot d’aujourd’hui ne devrait donc  pas être un frein à l’adoption de cet outil qui a révolutionné la relation client et qui continue à évoluer pour répondre au mieux aux besoins des clients. Il reste néanmoins évident que le choix d’une ou plusieurs solutions sur le marché devrait se faire après une analyse complète du besoin en prenant en compte les aspects technologiques mais également en cernant au mieux les attentes des utilisateurs, qu’elle soient technologiques, fonctionnelles ou encore émotionnelles.


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Sources 

L’étude a été réalisée par l’institut de sondage Opinion Matters pour l’éditeur logiciel Freshworks, auprès de 6055 consommateurs et 812 décideurs dans les services client au Royaume-Uni, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas du 10 septembre 2019 au 17 octobre 2019. Opinion Matters adhère et emploie des membres de la Société d’étude de marché, fondée sur les principes ESOMAR. 

https://www.userlike.com/en/blog/consumer-chatbot-perceptions