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Le cycle de vie FinOps : Opérer – Partie 1

Nous avons abordé dans le précédent article la phase d’optimisation du cycle de vie FinOps en présentant tous les leviers disponibles pour garantir un usage efficient et profitable du Cloud. 

Certains leviers comme le rightsizing, l’arrêt automatique, l’usage de configurations économiques, la chasse aux ressources sous utilisées, entre autres, permettent de récolter rapidement les premières économies. Sélectionner les véhicules techniques les plus adaptés au modèle d‘affaire cible, et contrôler son taux d’usage sont des opérations primordiales pour s’assurer que les promesses de profitabilité du Cloud soient tenues.

La phase d’opérations du cycle de vie FinOps comporte de nombreux sujets, essentiellement autour de l’amélioration continue,de l’automatisation, de la performance financière, économique et contractuelle du dispositif FinOps.

Les premières opérations d’optimisation mettent souvent en lumière le besoin de retravailler l’environnement contractuel, garantissant des termes et conditions tarifaires alignés avec la stratégie métier, profitables à l’entreprise et assurant une relation équilibrée avec le(s) fournisseur(s) Cloud. 

C’est ce premier thème qui sera abordé dans cet article. 

Engagement, prépaiement, facturation directe, indirecte. Quelle formule choisir ?

Les entreprises qui commencent leur aventure sur le Cloud peuvent avoir une stratégie Cloud plus ou moins maturée. Vont-elles sur le Cloud pour mettre en œuvre une stratégie technologique, un nouveau modèle d’affaires ? Vont-elles sur le Cloud par opportunisme, sans réelle stratégie technologique, avec comme seul objectif de générer des économies ?

En effet, sans réelle stratégie, l’adoption du Cloud peut être anxiogène pour certaines entreprises, par peur de ne pas maîtriser le modèle de facturation ou la sécurité des infrastructures. Il parait que le Cloud est cher et pas sécurisé ! Évitons les clichés

A la demande

Ces entreprises choisissent donc souvent un modèle de paiement à la demande, sans engagement dans la durée, afin de mieux se familiariser avec les plateformes. 

Mais ce choix peut déjà s’avérer limité et peu performant. En effet, en choisissant ce modèle, les entreprises adoptent de fait les conditions générales d’utilisation avec la liste de prix public associée et un niveau de support basique. Rassurant pour le démarrage, il n’y a pas d’engagement, mais finalement pas très performant sur la tarification.

C’est le “Try & buy”. Ce modèle permet de se familiariser avec le “business model”, le modèle d’affaire du cloud et de son mode de facturation. Cette étape permet également de s’approprier la richesse du catalogue de services Cloud et d’identifier les services les plus stratégiques pour le projet d’entreprise.

Négocier avec le fournisseur Cloud un véhicule contractuel adapté à la stratégie et la gouvernance de l’entreprise permet de construire une relation commerciale équilibrée dans la durée et basée sur le partage de valeurs.

En Résumé, le modèle “Pay as you go”, à la demande, sans engagement

  • Liste de prix publics
  • Conditions générales d’utilisation (CGU)
  • Facturation à la seconde
  • Facturation directe 
  • Paiement mensuel au fil de l’eau
  • Délai de paiement standard
  • Pas de remise complémentaires
  • Pas de facilité de paiement

Les remises contractuelles sur engagement

Dès que l’entreprise estime que sa consommation annuelle de services Cloud va dépasser le millions de d’euros, elle peut choisir un contrat d’engagement de dépenses.

L’entreprise va s’engager à dépenser un montant pendant une période donnée. En contrepartie, le fournisseur accorde un taux de remise sur tout ou partie des références (SKU) de sa liste de prix. Le taux peut varier également en fonction d’une famille de services. Des remises peuvent s’appliquer également aux tarifs des différentes formules de support proposées.

Il existe des offres officielles pour signer un contrat d’engagement de dépenses comme le Enterprise Discount Program (EDP) chez AWS, mais souvent, les négociations sont discrétionnaires.

Les négociations seront dirigées vers l’obtention de fortes remises sur les services et les régions identifiés comme étant les plus stratégiques pour l’entreprise. 

L’engagement de dépenses comme règles du jeu

En plus d’obtenir des remises, signer un engagement de dépenses permet de définir une vraie “baseline”, un montant plancher. Le montant engagé est celui qui sera dépensé quoi qu’il arrive. Ce montant minimum à dépenser correspond aussi au montant minimum à provisionner, à budgétiser pour simplement être en capacité de payer les factures mensuelles. 

Avec ce montant plancher et en suivant la consommation des services, on va rapidement pouvoir calculer le point d’atterrissage. A ce rythme de consommation, va t-on manquer, atteindre, dépasser notre engagement de dépenses ? Dois-je accélérer, freiner ? , suis-je en avance ou en retard ? Quand dois-je renégocier mon contrat ?

Avec un engagement de dépenses, les tableaux de bords mis en place pendant la phase d’information du cycle de vie FinOps deviennent de véritables cockpits où l’on va pouvoir actionner de nombreux leviers pour accélérer ou ralentir (optimiser) les dépenses. 

Un excès de prudence peut avoir comme conséquence de manquer la cible. À la fin de l’engagement, si les montants engagés n’ont pas été consommés, il faudra tout de même les payer. Ce qui reviendrait à payer pour des services non utilisés. 

A contrario, si le prévisionnel montre que l’engagement sera atteint après la fin de la période, cela signifie que l’on a prévu de surconsommer par rapport au budget initial. Des opérations d’optimisations, voire des renégociations de l’engagement de dépenses, si le dépassement calculé est trop important.

En Résumé, le modèle “Remises contractuelles sur engagement”

  • Facturation à la seconde
  • Facturation direct ou indirecte
  • Prépaiement ou au fil de l’eau
  • Délai de paiement : 60 Jours
  • Taux de remise selon montant et durée engagés
  • % de remise sur tout ou partie de la price list publique

Le paiement, comment ça se passe ?

Les fournisseurs Cloud proposent souvent deux formules : 

  1. Prépaiement (Upfront)
  2. Paiement au fil de l’eau (mensuel)

Prépaiement

Le prépaiement à l’avantage d’apporter des remises complémentaires en plus de celles déjà négociées. Plus l’apport de trésorerie est important et intervient dès le début du contrat, plus gros est le taux de remise supplémentaire.

  • Prépaiement total : On paye la totalité du montant engagé le premier jour du contrat (Pro : obtention de remises complémentaires, Cons : forte trésorerie nécessaire pour avance)
  • Prépaiement partiel : On paye une partie du montant engagé le premier jour, le reste est payé mensuellement au fil de l’eau.(Pro : obtention de remises complémentaires moindres, Cons : Moins de trésorerie bloquée)
  • Au fil de l’eau: Paiement des factures mensuelles. Gestion capacitaire (Pro : Pas de blocage de trésorerie, plus agile, Cons : pas de remise Upfront)

Engager énormément de trésorerie en début de période fiscale est un réel effort. En trois, ou cinq ans, l’environnement peut rapidement évoluer. Si l’expérience montre que l’engagement était surdimensionné, ce qui est payé est payé et les services non consommés seront perdus. C”est le principal risque de ce modèle.

Enfin en terme de pilotage budgétaire, si tout est payé dès le début du contrat, cela réduit aussi le nombre de leviers disponibles. On a plus tendance à utiliser le frein, que l’accélérateur avec ce modèle de paiement.

Au fil de l’eau

Payer les factures au fil de l’eau n’apporte pas de remise, mais à cela à le mérite de mettre en avant le besoin d’avoir un mode de gestion budgétaire capacitaire, agile qui s’adapte en temps réel au prévisionnel. Il faut le rappeler, une des promesses du FinOps est de tirer parti du modèle de facturation à l’usage et des dépenses variables

On va pouvoir actionner de nombreux leviers pour accélérer ou ralentir (optimiser) les dépenses. Provisioner, budgétiser uniquement la trésorerie nécessaire est le reflet d’une bonne performance financière.

Paiement direct ou indirect ?

La question se pose d’abord pour les grands groupes et leurs filiales. 

Doit on faire porter les coûts par une seule entité du groupe, qui se chargera ensuite de refacturer les dépenses à ces filiales ?

Chaque entité doit-elle payer ses propres factures ?

Existe-t-il d’autres options ?

La facturation directe.

Tous responsables !  La facturation directe a le mérite de participer à l’acculturation FinOps.

C’est sans doute le modèle le plus vertueux, le plus agile. Il participe à la réduction des organisations en silos. Chaque entité du groupe reçoit ses factures tous les mois. Elle doit être en mesure de les payer. S’approprier les modèles de facturation devient indispensable pour prévoir le montant des budgets à provisionner et assurer le paiement des factures mensuelles dans les temps impartis(60 jours en moyenne). Un processus de gestion des factures simple et classique, qui peut être rapidement mis en place.

Au global, chacun provisionne et pilote ses propres budgets Cloud, ce qui optimise mécaniquement la trésorerie du groupe.

Pas de refacturation des coûts, on peut économiser un processus lourd qui mobilise énormément de ressources internes, humaines et financières.

En résumé

  • Pas de refacturation des coûts
  • Chaque entité provisionne et paye sa propre consommation
  • Un compte de facturation par entité
  • Plusieurs factures mensuelles sont émises
  • L’entité centrale s’assure uniquement que les délais de paiement sont respectés
  • Seuls les montants à payer sont provisionnés et budgétisés par chaque entité
  • Gestion des paiements plus légère, pas de collecte, pas de refacturation, moins de litiges
  • Plus de risque de retard de paiement
  • Les sous-entités sont obligés de mettre en place une gestion des coûts Cloud proactive

La facturation indirecte

Une entité du groupe est propriétaire du seul compte de facturation du groupe. Elle reçoit et paie les factures mensuelles dont le montant correspond à la consommation de toutes les entités du groupe. 

Charge à ce locataire unique (One tenant) d’organiser la refacturation interne des dépenses Cloud sur la base de clés de refacturation qu’il aura préalablement définies. 

Ce locataire unique devra provisionner dans ses comptes la totalité de la consommation prévisionnelle du groupe, et parallèlement, les entités du groupe devront aussi provisionner dans ses comptes les montants qui lui seront refacturés. Ce qui, au niveau du groupe, peut augmenter le niveau de trésorerie provisionné, qui ne peut être réinvesti ailleurs.

Ce modèle ne participe pas à la sensibilisation et à la responsabilité des enjeux de la gestion des coûts sur Cloud au sein de l’organisation, ni à l’agilité.

C’est les deux points noirs de ce modèle. Il nécessite la mise en place d’un processus de refacturation des coûts lourd et coûteux, qui devra mobiliser beaucoup de ressources internes de l’entreprise pour les revenus du fournisseur. Un écho des pratiques legacy.

Il y a également un phénomène de double provisionning qui augmente mécaniquement les montants provisionnés, bloqués, ce qui peut ralentir certains investissements de transformation et dégrader la performance financière. 

En résumé

  • L’entité principale avance les fonds aux sous-entités. 
  • Elle provisionne dans ses budgets sa consommation personnelle + la consommation des sous-entités
  • Elle organise la refacturation des coûts et défini les clés associées
  • Plus de charge de travail pour les revenus du fournisseur ! (Collecte, provisioning, cost sharing, gestion des litiges) 
  • Plus de trésorerie bloquée au détriment d’investissement, 
  • Moins de risque de retard de paiement
  • Déresponsabilisation des sous-entités aux enjeux de la gestion des coûts sur Cloud

Man in the middle

Pour palier à ce problème de double provisioning, certains partenaires, une entreprise tiers, des fournisseurs Cloud proposent de prendre en charge le paiement de la facture unique.

Elle paie les factures Cloud de l’organisation au fournisseur Cloud, puis organise la refacturation des coûts aux entités du groupe, sur la base de clés de refacturation définie par l’organisation..

Encore une fois, cela entretient un processus de refacturation lourd et fastidieux pour les revenus des fournisseurs, ils sont plusieurs maintenant, ce qui augmente mécaniquement le risques de litiges à traiter et/ou de défaillance. Et cela ne participe pas non plus à la sensibilisation aux enjeux de la gestion des coûts sur Cloud au sein de l’organisation, ni à l’agilité. Cela reproduit des mécanismes centralisés, hérités du monde legacy.

En résumé

  • L’entreprise tiers avance les fonds à l’entreprise en payant les factures aux CSPs
  • Elle prend une marge sur les opérations
  • Elle organise la refacturation aux entités de l’entreprise
  • Elle prend une marge sur les opérations
  • Plus de charge de travail pour les revenus du fournisseur ! (Collecte, provisioning, cost sharing, gestion des litiges) 
  • Risque de défaillance de l’intermédiaire
  • Remises négociées et optimisations dégradées par la marge du tiers (Markup)
  • Moins de risque de retard de paiement
  • Déresponsabilisation des sous-entités aux enjeux de la gestion des coûts sur Cloud

Avec toutes ces options proposées par les fournisseurs Cloud, toutes les conditions sont réunies pour avoir un véhicule contractuel robuste, performant et profitable. 

Véhicule qu’il va falloir entretenir. Partager des éléments d’analyse de consommation Cloud avec les équipes des achats est crucial pour préparer les exercices de négociations avec les fournisseurs. Les acheteurs ont besoin d’éléments pour défendre en continue les intérêts de l’entreprise, obtenir les meilleures conditions tarifaires, entretenir une relation basée sur le partage de valeurs. 

A chaque itération du cycle de vie du FinOps, la phase d’opération doit aussi être consacrée à l’amélioration du véhicule contractuel. La terre tourne et de nombreux services, de nouvelles métriques, de nouveaux modèles d’affaires apparaissent tous les jours. Toutes ses nouveautés peuvent nécessiter la mise en place d’avenants au contrat ou déclencher des négociations.

Dans le prochain article, nous continuerons dans la phase d’opération en abordant un nouveau thème autour de l’amélioration continue, de l’automatisation, de la performance financière, économique et contractuelle du dispositif FinOps. Stay tuned !

Auteurs

Jérémy Robin

Squad Leader Finops - Devoteam Innovative Tech

Jérémy est passionné par le monde du logiciel propriétaire et open source, toujours à l'affût de nouvelles solutions et fonctionnalités qui améliorent la productivité (Il est très feignant), Jeremy également un faible pour la données, l’analyse des usages et l’optimisation financière. Il a naturellement évolué vers le métier de FinOps après 15 ans passés dans l’IT Asset Management à chasser les licences pirates.