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Chapitre 3

UNE MODERNISATION ANCRÉE DANS LES PERSPECTIVES

  • Des besoins croissants : accès à l’innovation et ouverture des SI

Si, pour l’heure, seules les fondations sont posées – et encore pas partout -, les décideurs que nous avons interrogés ont tous conscience que l’évolution vers les architectures Cloud est inéluctable. Une large majorité d’entre eux prévoit ainsi d’étendre les premiers projets ou expérimentations Cloud en accentuant leurs investissements, tout en continuant à se reposer sur une politique d’hybridation. Les grandes administrations, ministères notamment, prévoient souvent d’étendre leur Cloud privé à de nouveaux usages (du développement à la production par exemple), tandis que les organisations de plus petite taille (opérateurs et collectivités notamment) mettent fréquemment en avant un recours accru au SaaS.

Dans certaines administrations, en particulier dans les collectivités locales et territoriales, le Cloud peut aussi être vu comme une solution aux difficultés rencontrées en matière de croissance des besoins. « Nous n’aurons pas les moyens de suivre, explique ainsi le responsable de la production IT d’un conseil général. Nous allons dépasser nos capacités de stockage et, par ricochet, de sauvegarde. Et je ne crois pas que nous puissions conserver de grosses infrastructures en interne car cela coûte très cher et, au bout de trois ou quatre ans, les capacités sont de toute façon dépassées ». Même constat dans une grande métropole française, qui a vu exploser ses volumes de données : +300% en 5 ans ! Dans le même ordre d’idée, le Cloud public fournit encore une capacité à s’adapter à la charge (la scalabilité). Une caractéristique particulièrement adaptée aux applications à destination de la population et connaissant des pics de charges, lors de crises ou de périodes particulières (comme les élections).

Plus globalement, le Cloud apparaît aussi comme un moyen d’accès à des technologies modernes, que l’on parle de conteneurisation, de gestion des données ou de Data Science. Citons par exemple les cas de cette application de détection des signaux faibles chez les consommateurs mise en œuvre par la DGCCRF ou encore cette application de la DGFiP visant, sur la base de l’analyse automatisée d’images satellite, à détecter les piscines non déclarées sur le territoire national. Le DSI d’un établissement public considère ainsi ces environnements comme un accélérateur dans le déploiement de technologies que son organisation aurait des difficultés à maîtriser en interne. Par ailleurs, comme l’ont rappelé plusieurs collectivités que nous avons interrogées, les éditeurs de logiciels poussent désormais leurs clients à exploiter des solutions en mode SaaS. « Ce phénomène concernait uniquement les majors de l’édition il y a quelques années, mais il s’étend désormais aux petits éditeurs », détaille un décideur IT au sein d’un conseil départemental.

Enfin, le virage vers le Cloud répond à une mutation des usages. Avec des services de plus en plus exposés sur Internet et de plus en plus pensés autour des besoins des administrés, les applications ont besoin de s’ouvrir, de s’hybrider et de s’interconnecter. Un virage que facilitent les environnements Cloud. « L’accélération des demandes d’ouverture des SI, associée aux besoins en matière d’e-administration, nous pousse à aller plus loin », résume le DSI d’une collectivité. « Hormis pour certains systèmes, le besoin d’exposer les données est de plus en plus fréquent », témoigne pour sa part le DSI d’une agence dépendant d’un ministère régalien.

  • Accélérer la modernisation des pratiques de la DSI

Comme dans les entreprises, pour l’administration française, le virage vers le Cloud est aussi une opportunité de transformer le modèle opérationnel de la DSI… tout en étant un facteur clef de succès de ce même virage.
En la matière, les dernières études IDC montrent un réel volontarisme du secteur public. Lors du dernier Observatoire du Cloud, réalisé par le cabinet en 2021, 34% des administrations françaises avaient pour projet ou étudiaient la mise en place de formations pour leurs équipes de production IT, en plus des 38% chez qui cette initiative était achevée ou en cours (voir graphique 3). Par ailleurs, près de 6 administrations sur 10 avaient créé ou étaient sur le point de créer de nouveaux rôles tant à la production, qu’au sein des études.
En cohérence avec les résultats d’études dans le secteur privé, le secteur public privilégie donc la formation et la transformation des rôles au sein de ses équipes plutôt que le recrutement, pour accompagner la mutation vers les architectures Cloud.

« Nous assistons à des changements profonds de métiers, dans l’hébergement surtout, mais aussi dans le développement et la gestion de projet. Nous nous adaptons via des formations et via un accompagnement externe, pour nous orienter vers des métiers xxOps », décrit par exemple le décideur IT d’une direction d’administration centrale. « L’objectif est de basculer sur un modèle DevOps avec un métier donneur d’ordre, et une équipe infrastructures qui fournit un catalogue de services », explique de son côté le DSI d’un ministère.
Dans un autre ministère, un responsable IT évoque, lui, le basculement à venir vers une organisation de type centre de compétences Cloud, si les projets actuels suivent la trajectoire prévue : « les équipes sont en train d’être formées aux modèles Cloud et la documentation interne est mise à jour », précise-t-il.

En somme, même si la mutation vers le Cloud public reste prudente, la transformation des pratiques qui l’accompagne est en train de s’ancrer dans le secteur public. Ne serait-ce que pour conserver l’attractivité des métiers IT au sein de l’État et des collectivités. « Nous avons recours à Azure Devops pour automatiser nos pratiques tant sur le on-premise que sur le Cloud. De plus en plus, l’exploitation s’oriente vers la gestion de la QoS », illustre le responsable IT d’un conseil général.


GRAPHIQUE 3

Transformation RH de la DSI au sein des administrations

Dans 5 ans, le Cloud au cœur des SI
Par ailleurs, tous les décideurs interrogés ou presque ont conscience que le mouvement vers les architectures Cloud est enclenché et affichent leur volonté d’intégrer cette nouvelle donne dans leurs perspectives d’investissement à moyen terme. Selon IDC, 36% des décideurs du public pensent que le Cloud public hébergera ainsi entre 5 et 20% du portefeuille applicatif de leur organisation d’ici cinq ans et 22% pensent même que cette proportion sera comprise entre 20 et 50%. Des poids significatifs, que confirment les entretiens que nous avons menés. Les équilibres évoqués varient, mais tous accordent un poids conséquent pour le Cloud. « On se dirige vers un équilibre 50-50 », dit par exemple le responsable infrastructures et données d’un conseil général. « Au moins du 50-50, voire du 80-20 en faveur du Cloud. Ne resteraient on-premise que les applications critiques, en particulier celles liées à la gestion sociale, renfermant des données personnelles, imagine pour sa part le DSI d’un conseil général. À condition que les coûts du Cloud restent supportables ! » (sur ce sujet, voir la page 9). S’il ne parle pas d’objectifs chiffrés en tant que tel, le responsable IT d’un conseil général parle lui de jalons dans sa transformation vers le Cloud : « en 2022 et 2023, nous passerons à une hybridation des SI avec débordement ou reprise dans le Cloud, par exemple sur un cluster Kubernetes. Et, à horizon 5 ans, soit à l’issue du marché actuel passé sur les datacenters, nous opérerons un glissement plus franc vers le IaaS et le PaaS. »


De son côté, un décideur IT d’un grand ministère mise sur une accélération de l’évolution des mentalités, via le développement de la logique de services hybrides, combinant le recours à des infrastructures dans le Cloud et à des infrastructures traditionnelles : « D’ici cinq ans, je pense que la stratégie d’hybridation sera admise par l’ensemble des DSI métiers et que le Cloud sera unanimement privilégié pour toute nouvelle application. On peut imaginer qu’environ 50% des applications du ministère soient cloudifiées à cette échéance ».

GRAPHIQUE 4

Poids du Cloud public dans les SI des administrations à 5 ans


Des perspectives qui, pour un certain nombre de décideurs interrogés, posent la question du devenir des datacenters qu’opèrent actuellement les administrations. « À terme, notre volonté est d’abandonner la gestion de nos datacenters tout en conservant le même environnement technique en raison des contraintes qui pèsent sur notre activité », commente ainsi le décideur IT d’une direction d’administration centrale. Dans un ministère de premier plan, l’extension du Cloud privé maison devrait entraîner la fermeture de plusieurs dizaines de datacenters locaux. Même au sein des organisations qui vont conserver leurs datacenters à moyen terme, la logique des architectures Cloud pèse sur l’évolution des DSI. Comme l’explique par exemple ce responsable des infrastructures IT d’un ministère : « Nous avons pris le parti de conserver notre datacenter et de renouveler les infrastructures pour les 10 prochaines années. Mais, en parallèle, une réflexion de modernisation s’est engagée, portée par notre volonté de basculer vers du Cloud hybride, via le recours au Cloud public pour les nouvelles applications. L’objectif consiste à basculer sur un modèle DevOps, avec un métier donneur d’ordre et une équipe infrastructures exposant un catalogue de services. »